ÎLÉMOR, l’emzao accompli (chapitres 13 et 14)

 

13 

 

La déclaration de la seconde Guerre mondiale, le 3 Septembre 1939, n’affecta pas le planning du second voyage qu’Hoël espérait lancer avant la fin du mois. À ceci près que son capitaine n’en fut pas, affecté qu’il se retrouvait au siège du 62ème RI, sis à Lorient. Mais assez près de son affaire, tout de même, pour en assurer le suivi. Tous âgés de plus de cinquante ans – le premier toujours ignoré, de surcroît, des registres militaires – Yves, Glen et Jeannot n’étaient pas plus concernés par la mobilisation que le petit Didier, trop jeune, et les deux sénégalais, trop éloignés de leur lieu de conscription. « Le Vaillant » partit donc à l’heure sous la direction d’Yves et la totale réussite de l’expédition fut suivie, six mois plus tard, d’un troisième voyage tout aussi fructueux. Réformé lors de ses classes en 1931, Jakez n’avait pas cessé d’assurer le ravitaillement de l’île lors des absences de son père et tout semblait aller pour le mieux. 

Mais l’offensive allemande de Mai 1940 mettant fin à la « drôle de guerre » et la défaite consommée moins de sept semaines plus tard modifièrent sensiblement les choses. Interné à Hennebont, dès le lendemain de l’occupation de Lorient, avec son cousin Loïc dont Yannick avait réussi à obtenir l’affectation dans la même unité que son neveu, Hoël fut déporté avec celui-ci en Silésie, fin Novembre, au camp de Sagan. Consigné à quai par les Allemands qui avaient d’emblée limité la pêche à trois milles, uniquement de jour, histoire de contenir les départs vers l’Angleterre, le bateau des Mabon et Cie dut attendre son heure. Elle vint au début du mois de Juin de l’année suivante, au lendemain de la forte manifestation de vannetais excédés par la pénurie de poisson. L’occupant avait admis la nécessité de lâcher un peu de lest et autorisé en conséquence le départ de quelques bateaux pourvus d’un plan de navigation précis. 

« Le Vaillant » en faisait partie et son nouveau capitaine put commencer à préparer un quatrième voyage, avec l’aide de Yannick qui avait participé aux négociations avec la Feldkommandantur, s’y faisant apprécier par sa politesse et sa mesure. La constitution du stock de marchandises n’en était pas moins extrêmement difficile, tant était virulent le pillage systématisé des Allemands, en dépit des intentions désormais affichées par la Wehrmacht de gestion « équilibrée » entre les besoins de ses troupes et ceux des populations soumises. Mais, bon, « on aura plus de place pour les langoustes », faisait remarquer Yves, toujours enclin à regarder chaque situation par le meilleur bout de la lorgnette. 

Le stalag VIII C où étaient détenus Hoël et Loïc n’était pas seulement un camp d’internement de militaires vaincus. Les nazis y avaient également l’objectif d’y prospecter les éventuels sympathisants à leur cause raciste, notamment du côté des Celtes, particulièrement ceux déclarés à quelque mouvement d’émancipation, à l’instar du Parti National Breton. Le camp était donc très suivi par l’Ahnenerbe – « L’héritage des Ancêtres » – une société de recherche « scientifique » sur les « idées premières » qu’Himmler avait incorporée aux SS en Janvier 1939. Adhérent au club des « Chats Bottés », comme s’étaient surnommés les partisans du duc de Rohan-Chabot, interné également au stalag et ouvertement opposé, lui, à toute idée de collaboration avec le PNB, Hoël n’était pas a priori du lot privilégié par l’Ahnenerbe mais le passage, fin-Septembre 1941, du sturmbannführer Narsohn en quête d’informateurs avant son départ vers Lorient où sa hiérarchie venait de le nommer, changea radicalement la donne. 

Friedrich Narsohn était lorrain. Il avait connu Hoël à Sarreguemines à l’automne 1926, lors de son service militaire. Cavalier émérite, Friedrich faisait alors partie du 3ème Régiment de Dragons. Toujours muni d’une cravache dont il avait cette manie d’en tapoter, à la moindre contrariété, le haut de ses bottes impeccablement cirées, il allait partout hautain, à cheval le plus souvent, toisant le monde en être d’exception. C’était cependant à pied qu’il avait rencontré Hoël. Une égalité de point de vue – ils étaient à peu près de même taille – vite doublée d’une réelle empathie au constat de leur commune attention au patrimoine mégalithique. « Méfie-toi de cet orgueilleux », avait pourtant prévenu Mieg, le celtisant compagnon de chambrée du jeune breton fasciné par le savoir de Narsohn, « il n’est français que du bout des lèvres… ». Et la suite avait largement donné raison au perspicace soldat de seconde classe. 

Quoique très attaché à sa carrière militaire, Friedrich quitta l’armée française en 1934, suite à un différend avec son supérieur hiérarchique. Poursuivant sa passion hippique, il participa, le mois suivant, à un concours à Francfort où il fut remarqué par des militants nazis qui le présentèrent à Heinrich Himmler, bientôt cofondateur de l’Ahnenerbe. Et certes, disaient-ils tous de concert, la Lorraine est bel et bien de culture germanique… Friedrich y avait son histoire, il s’y ferait un nom. Ainsi magnifiée, sa nature avide de conquêtes se développa avec d’autant moins de retenue qu’il ne cessait de la renforcer à l’étude d’obscures pratiques qu’il croyait magiques, avec la bénédiction de son protecteur. C’est en cet état d’esprit qu’il entendit ses retrouvailles avec Hoël comme une marche impérative dans son ascension vers les cimes. Il lui fallait coûte que coûte l’appui du jeune homme. En commençant tout d’abord par le tirer de l’influence des « Chats bottés ». Et d’obtenir son rapatriement dès le lendemain, avant de le conduire lui-même à Berlin d’où il assurerait « au plus vite », affirmait-il, son retour au pays et « au plus tôt, celui du jeune Loïc » qui fut, de fait, libéré quelques mois plus tard avec le duc de Rohan-Chabot. 

On mangea dans un restaurant huppé de la capitale allemande. « Tu vas me faire découvrir la Bretagne et tous ses vieux monuments ! », s’excitait Friedrich, « Et nous travaillerons ensemble à la valorisation de votre antique patrimoine… – Volontiers, Friedrich, mais j’ai des obligations qui me tiendront assez souvent hors du pays. » Et Hoël d’évoquer son histoire africaine… Apparemment très intéressé, le sturmbannführer posait question sur question et, aussi fin diplomate était Hoël conscient de la toile d’araignée que tissait inexorablement son redoutable compagnon de table, celui-ci se retrouva bientôt largement assez informé de la situation de son « très cher ami », disait-il avec délectation. « Ta conversion à l’islam est un plus de premier ordre. Sais-tu l’importance que notre Führer accorde aux bonnes relations avec le monde musulman ? – Tu me l’apprends, je ne suis guère instruit en matière politique… – Ça viendra, mon cher ami, je t’y aiderai si tu veux ; de très bon cœur, crois-moi. » 

Les deux hommes prirent place, le lendemain aux aurores, dans un junker en partance pour la Bretagne. Survolant, quelques heures plus tard, les installations de la Kriegsmarine à Lorient, avant l’atterrissage à Lann-Bihoué, Hoël put mesurer l’efficacité de l’organisation militaire allemande qui avait établi, en moins de neuf mois, le premier réseau de blockhaus abritant la base sous-marine de Kéroman. Quant à l’ancien terrain de l’aviation française, six avaient suffi pour le transformer en un complexe de bâtiments grouillant d’activités autour de deux grandes pistes capables d’accueillir toutes sortes d’avions. « Vois comme le Reich est formidablement puissant, Hoël », s’extasiait Friedrich, « le génie de son armée transformera le Monde. » Hoël hocha la tête sans rien dire. Le chauffeur d’une berline noire qui attendait au bord de la piste ouvrit les portières arrière aux deux hommes. « Je vais te montrer mon bureau puis la voiture te conduira où tu veux. » 

Prudent, Hoël se fit simplement amener au port de Vannes, plutôt qu’à celui d’Auray. « Friedrich saura bien assez tôt où j’habite », se disait-il, « inutile de lui faciliter la tâche. » Cette réflexion situait parfaitement l’état d’esprit du jeune homme. Aussi attiré avait-il été, durant son service militaire, par la démarche celtique de l’ambitieux lorrain, autant répugnait-il, désormais, à poursuivre une relation avec cet « infâme traître », disait-il maintenant à son oncle tout heureux, quant à lui, de retrouver son grand neveu. « Bien sûr, Hoël », nuançait Yannick, « mais il y aurait quelque intérêt, pour la suite des évènements, à entretenir un tel contact. Il ne s’agit pas seulement de Loïc : la résistance s’organise et a besoin d’informations. Il faudrait exploiter toutes les opportunités en ce sens ». L’avisé bourgeois était lucide : sans être ouvertement engagé dans un des réseaux qui se mettaient peu à peu en place contre l’occupation nazie, il entendait l’appel du peuple breton instinctivement enclin à espérer la victoire des Alliés. 

Le blocus que les Anglais commençaient à appesantir sur les pêcheurs ne plaidait pourtant pas à telle enseigne. « Pas question de laisser les marins bretons ravitailler les troupes et l’industrie ennemies», tonnait Winston Churchill, « nous devons couler tous les bâtiments, quel que soit leur pavillon, susceptibles d’apporter une aide quelconque au Reich nazi ». Plusieurs bateaux de pêche en route pour la Mauritanie ou le Sénégal avaient été ainsi arraisonnés par la marine britannique, à l’instar du « Bijou-Bihen », dundée de Douarnenez dérouté vers Gibraltar six mois avant le retour de Hoël à demeure. Passé au travers des mailles du filet lors de son troisième périple, « Le Vaillant » n’en était pas moins menacé. En Juillet de la même année, le mitraillage du chalutier « Doribanne », par un avion « aux couleurs britanniques », affirmait son équipage de retour à Lorient, avait beaucoup ému le Morbihan, sans atteindre le moral d’un Yves toujours confiant en la belle étoile du Vaillant. Celui-ci était donc parti à l’heure, dix jours avant la libération de Hoël. 

Maintenant, le jeune patron s’inquiétait d’autant plus que Friedrich se faisait, à la moindre attaque anglaise sur un navire français, le malin plaisir, à peine dissimulé par une affectation de compassion contrite, de l’informer des indignations du secrétariat d’État vichyssois à la Marine. Et de l’inviter, en suivant, à une rencontre bretonnante en quelque château réquisitionné pour la circonstance. Les nouveaux chefs du PNB – frères Delaporte en tête et Bagadoù Stourm au salut hitlérien sans aucune vergogne – s’empressaient autour du sturmbannführer « si généreux et attentif à notre cause ». Hoël s’était certes efforcé d’apprendre à sourire selon les convenances nazies, il n’en multipliait pas moins les bonnes excuses pour s’épargner de tels rassemblements. On l’y voyait cependant de loin en loin. Il y témoignait surtout de sa connaissance du patrimoine breton et cela suffisait à garder le fameux contact avec son « protecteur », sans s’engager dans la démarche du PNB. 

Il fallut également inviter le SS à la maison. Une décision aussi difficile qu’indispensable, comme le reconnaissait Yannick qui ne mesurait cependant pas combien c’était, en fait, introduire le loup dans la bergerie. Car la passion de conquête de Friedrich s’embrasa à l’instant même où il salua madame d’un baisemain qu’il croyait des plus courtois mais qui la fit frissonner, elle, d’un dégoût tout-à-la fois viscéral et culturel. Certes, Aïcha avait appris à serrer la main des hommes mais les lèvres de celui-là sur sa peau… Rooorh ! À mille milles de pouvoir l’associer à une telle répulsion, Friedrich se méprit totalement sur le léger tressaillement de la belle dont il ignorait les plus élémentaires règles sociales. Et la lueur qu’elle vit alors s’allumer dans l’œil du fauve acheva de barricader définitivement la digne épouse de Hoël en sa plus impénétrable citadelle. Une minute ne s’était pas écoulée depuis l’entrée du sturmbannführer dans l’appartement du couple et Hoël n’avait rien perçu de ce qui allait nouer son destin... 

Cela faisait plus de trois semaines que « Le Vaillant » était revenu sain et sauf de Saint-Louis. Mais on avait craint le pire. Pris à l’aller dans une terrible tempête au large du golfe de Gascogne – un péril extrême qu’Yves avait su contourner de toute sa science du vent et des vagues – le chalutier s’était vu mitraillé au retour, non loin des côtes portugaises, par un avion de la Royal Air Force, aussi opinément que « miraculeusement » déguerpi du ciel, s’était signé Jeannot, par l’apparition soudaine de trois Messerschmitt qui l’avaient pris immédiatement en chasse. Une frayeur que n’avait pas vécue Mamadou : très refroidi par l’épisode gascon, le pêcheur wolof s’était fait porter pâle, au surlendemain de la Korité qui clôturait un Ramadan si péniblement débuté au creux des gigantesques vagues atlantiques. Arrivé à la mi-Octobre à Saint-Louis, « Le Vaillant » en était donc reparti sans lui le 4 Novembre. 

Yves fit sagement suivre l’attaque de l’avion par le mouillage du bateau dans une discrète crique à l’abri des vagues, une décision d’autant plus judicieuse que la météo n’était pas des meilleures. À défaut d’une improbable tempête, on aurait peut-être à affronter une forte houle dans le golfe de Gascogne : laisser passer tranquillement quelques jours calmerait les esprits, tant des flots qu’à bord du Vaillant et sous les cockpits anglais… Mis au courant un quart d’heure à peine après l’agression aérienne, Hoël avait compris la nécessité de couper tout contact radio, « jusqu’à Bordeaux, au moins », disait Yves, et l’attente angoissée qui avait suivi avait mûri, chez le jeune armateur, la résolution de ne pas encore tenter le diable : « Le Vaillant » ne partirait plus en telle lointaine aventure avant que la conjoncture guerrière ne s’apaise. Non pas que les côtes françaises fussent plus sûres mais les opportunités de repli étaient plus grandes et la pêche de frais non seulement moins visée par les Alliés mais aussi beaucoup moins réquisitionnée par la Grenzaufsichstelle (GAST), la douane militaire allemande, que les produits transformés. 

C’était d’ailleurs sur ce dernier constat qu’avait démarré, à table, la discussion entre Hoël et Friedrich, en cette froide après-midi du 2 Janvier 1942. « Il faut nourrir la troupe », argumentait le lorrain, « et ton séché-salé plaît au gosier teuton ». Encore plus réservée qu’à l’habitude, Aïcha semblait ailleurs et les regards en coin de l’invité du jour tombaient systématiquement dans un désert au moins aussi profond que son Ouarâne natal. Elle y était peut-être même, à cet instant ; en tout cas au sommet d’une dune d’où tout paraissait si petit. « J’aurai dû venir à cheval », pensait justement Friedrich, délicieusement énervé par la hauteur de la dame, sans parvenir à en percevoir la limite. Il en savourait le vertige qu’il vaincrait, bien sûr, comme toujours. N’était-il pas irrésistible ? « Ha, madame, c’est absolument exquis cette façon de griller le mouton ! – Tu as eu de la chance », commenta Hoël, après le très bref et protocolaire « merci » de son épouse, « nous venions juste de fêter l’Aïd Kébir et le frigo gardait encore quelques beaux morceaux de viande ». 

Chausse-trappe ou perche ? La question n’effleura même pas le fiévreux galant qui s’empressa de saisir cette dernière. « Ha, quelle belle religion que la vôtre ! », s’exclama-t-il, « Avez-vous entendu les vivats tunisiens à l’arrivée de Rommel ? J’ai frémi, moi, à l’écoute du refrain : ‘’Allah au ciel, Hitler sur la terre ’’ ; si joliment chanté par Radio-Berlin. N’est-il pas vrai qu’annoncé par le Coran, notre Führer tuera le monstrueux Dâjjal, roi des juifs ? – Intéressante lecture », parvint à articuler Hoël heureusement protégé, par son sourire à la mode allemande, du terrible fou-rire qui lui tenaillait maintenant les côtes. De fait, son séjour au stalag l’avait beaucoup plus informé qu’il ne l’avait prétendu à Friedrich sur les enjeux de la politique arabe du 3ème Reich. Les « Chats Bottés » suivaient de près ce qu’il pouvait en apprendre de leurs gardiens : soutien au coup d’État en Irak, pacte d’amitié avec la Turquie, accueil à Berlin du grand mufti de Jérusalem, péripéties de l’Afrikakorps en Afrique du Nord, etc., le tout sur fond d’hydrocarbures qui expliquaient la faveur des Arabes, opportunément exclus des fureurs antisémites nazies. 

La tirade du sturmbannführer n’avait cependant pas réussi à captiver l’attention d’Aïcha. Sinon, à alourdir son jugement. De simplement grossier, le personnage si imbu de lui-même et des lubies de son chef s’y retrouvait grotesque. Elle ne lui en servit pas moins très poliment trois « casses » – petits verres, en hassaniya – de thé, à ceci près qu’elle en expédia rapidement la facture. Friedrich Narsohn ne pouvait évidemment pas percevoir cette nuance mais Hoël oui : il savait désormais que son épouse espérait ne plus jamais revoir le triste sire et n’en dirait jamais plus, laissant à son mari le choix de déplaire à qui il voulait. L’heure d’aller chercher Rabi’a à la mahadra approchait. Aïcha s’excusa de la nécessité et partit se préparer dans sa chambre, après un chaste salut de la tête à leur invité. Hoël fit visiter l’entrepôt à celui-ci, en lui faisant remarquer son maigre contenu au regard de ce qui avait été ramené de Saint-Louis, avant de l’informer du très probable arrêt de ces voyages tout aussi périlleux que peu rentables. 

« C’est dommage », commenta Friedrich, « et j’essaierai de t’obtenir une plus grande indulgence de la GAST. Fais-moi confiance, nous finirons par trouver un bon arrangement ». L’amabilité du lorrain n’avait pas que des mobiles halieutiques : éloigner Hoël de son épouse lui paraissait le plus sûr moyen d’assurer sa cour auprès de l’excitante dame. C’était pourtant loin d’être gagné. Tout l’entourage et les associés du jeune chef d’entreprise s’étaient rangés à sa prudente décision et l’on vaquait maintenant à préparer une courte expédition jusqu’au large de La Rochelle, avec un probable échange de marchandises entre Vannes et le port charentais. Yves s’était rendu là-bas en voiture avec le beau-fils de Yannick assez introduit auprès des autorités. Une fois la pêche et les trocs accomplis, on remonterait au plus près des côtes de mieux en mieux protégées par la construction du Mur de l’Atlantique. La page sénégalaise semblait bel et bien tournée.

 

*

*       *

 

 

14 

 

Les mariages des demoiselles de l’île auraient dû beaucoup modifier sa vie. La guerre nuança les choses. Certes, sa déclaration provoqua le départ de Morgane qui suivit, enceinte de six mois, son mari appelé sous les drapeaux en Angleterre. Mais Kelog, qui avait convolé en justes noces le 3 Novembre 1938, et Gaud, qui en fit de même deux mois plus tard, ne vécurent que quelques mois hors de l’île et ne la quittèrent vraiment qu’à l’approche du retour de leur époux respectif des camps de travail en Allemagne où les avaient expédiés leurs vainqueurs. Après avoir accouché, dans sa famille, de son premier enfant – une fille qu’elle prénomma Brigit en mémoire de son arrière-grand-mère – Kelog préféra revenir auprès de ses amies et y resta jusqu’à la libération de son conjoint en 1945. Tout comme Gaud qui avait mis au monde Gwendal, son premier garçon, elle par césarienne à l’hôpital de Lorient, au surlendemain de la capture de son mari en Belgique. Quant à Aouragane fiancée à l’été 1939, elle attendait encore la célébration de leur mariage. Reviendrait-il des camps, son doux Izaouen ? 

Ni Goulawenn, toujours très attachée à sa mère, ni Yuna, souvent au chevet de sa grand-mère qui faiblissait à son tour beaucoup, n’avaient manifesté le moindre désir de fonder une famille et le conflit sur le continent les encourageait plutôt à rester tranquillement à demeure. Les allées-et-venues de Solen et de sa fille entre l’île et Saint-Goustan, au gré des absences de Hoël, avaient, de fait, constituées un assez efficace pont d’informations sur la conjoncture. Mais l’importance, en cette année 1941, du déploiement des troupes allemandes le long des côtes bretonnes – plus de cent vingt mille hommes et ce nombre augmentait au fil du plan Todt – compliquait les déplacements. C’était bien heureux que le sinago ait pu obtenir un sauf-conduit pour assurer un ravitaillement à peine moins conséquent qu’à la veille de l’Occupation. Bref, on s’en sentait plutôt épargné. 

On fit même bombance au lendemain de l’Aïd Kébir qui clôtura quasiment l’année. Après l’avoir célébré la veille à Saint-Goustan en petit comité, Hoël s’était rangé à la proposition de son épouse de le poursuivre dans un esprit plus intensément œcuménique, en invitant tous les membres du « Vaillant » à venir partager un plantureux méchoui sur l’île. Le gros bélier qu’avait, trois jours plus tôt, déniché Ahmed, on ne savait trop comment mais non moins grassement payé par Hoël, n’avait été qu’à peine entamé et « l’on en garderait encore suffisamment pour nous », soulignait Aïcha. Ce fut donc heureux comme jamais dans son sinago chéri garni de victuailles et de beaux quartiers de viande qu’Yves conduisit la petite famille Mabon, Ahmed, Jakez et Didier ; les deux « vieux » du Vaillant s’étant excusés, retenus par leur famille respective. 

À table, Didier évoqua la peur de sa vie. « J’ai vomi cent fois mes tripes ! Les vagues étaient comme des montagnes – énooormes ! Monstrueuses ! – mais c’était toujours derrière nous ou juste assez loin devant qu’elles s’écrasaient dans un vacarme épouvantable… J’en reviens pas comment le capitaine parvenait à aller de l’une à l’autre en faisant glisser « Le Vaillant » jusqu’à leur crête ! Le bateau prenait alors une vitesse folle, craquant de partout, avant de se calmer soudain jusqu’à la suivante… » Peut-être la plus émue par ce récit dantesque, Soisic assise à la gauche d’Yves lui pressait la main et lui de tapoter doucement la sienne. « Bah ! », commentait-il à présent, « on n’en aura plus jamais, si Dieu veut ! Elles nous ont bien remués, c’est vrai, alors vous allez aujourd’hui nous remuer plus encore ! ». Et les danses qui suivirent, dès la fin du repas, prouvèrent, s’il en était encore besoin, à quel point ces dames et demoiselles ont ce pouvoir de faire oublier, aux hommes, leurs pires frayeurs… 

Le récit de Didier avait captivé l’attention de tous. L’intervention d’Ahmed n’en suscita pas moins de commentaires. Interrogé par Aouragane sur le sens de l’Aïd Kébir, il eut cette lumineuse réponse : « Des trois fêtes religieuses de l’islam, la Tabaski est non seulement la plus grande – Kébir – mais aussi la plus universelle. Commémorant le sacrifice d’Abraham – Paix et bénédictions sur lui – elle est en mesure de réunir tous les juifs, chrétiens et musulmans, gens du Livre par excellence. De fait, le plus important, ce n’est pas le mouton qu’on partage mais le sacrifice qu’on consent pour Dieu, en faisant un quelconque plaisir, aussi minime soit-il, à quiconque autour de nous, famille ou voisinage. C’est ce que m’a appris mon propre père – Que Dieu le garde en bonne santé ! – en nous demandant, à chaque Tabaski, d’offrir à quelqu’un quelque chose d’important à nos yeux d’enfant. Une fois, j’étais petit encore, j’avais ainsi donné au fils de mon voisin la plus belle de mes billes et je fus surpris d’en recevoir en retour une plus belle encore : il avait eu la même idée ! » 

Le sentiment qu’éprouvait Solen envers son employeur occasionnel n’était plus qu’un secret de Polichinelle pour les habitantes de l’île mais elles découvraient aujourd’hui combien bel homme était Ahmed. Non pas tant par sa stature, guère remarquable, mais par l’évidente générosité de son être au monde. Lumineux, tout simplement. Et les félicitations qu’il adressait maintenant à son aide-cuisinière, devant ses amies réunies, avaient déjà un petit air de demande en mariage. « Si cet emploi te plaît », enchérissait Aïcha, « vous êtes les bienvenues à la maison, toi et ta fille. Madalen aimerait retourner chez les siens, Hoël et Ahmed sont prêts à rediscuter de ton salaire. Ça te dit, Solen ? » Rabi’a et son Néné battaient des mains, complices et résolument décidées à lui faciliter la tâche.  « Bien sûr, Aïcha, rien ne me ferait plus plaisir. » Et c’est dans cette ambiance de roucoulades que se déclara l’idylle entre Yuna et Jakez que le Destin – avec tout de même un sérieux coup de pouce de Soisic et d’Yves, tout aussi complices que les petites – avait placé à table l’une quasiment en face de l’autre. 

Le quasiment relevait la présence de Goulawenn juste à côté de sa cousine. « À eux de voir », s’étaient dits les deux conspirateurs et la réalité fut que les échanges entre les trois occupèrent leur repas, sans que ceux-là ne puissent deviner si et comment les cœurs balanceraient. Mais n’avaient-ils pas déjà balancés ? Car aussi brefs avaient été les séjours de Jakez sur l’île, pratiquement réservés à décharger et charger la cargaison du sinago, les quatre lointains voyages d’Yves avaient largement assez duré pour que le trio ait trouvé quelque occasion de mesurer ses assemblages. Toujours est-il que l’heure des danses révéla très vite l’inclination des natures. Goulawenn rejoignit spontanément le chœur des chanteuses qui entouraient Yves, barde attitré de l’île ; Yuna Jakez, donc, tous deux rayonnant d’exposer enfin leur romance ; Solen Ahmed très joyeusement décidé à apprendre de sa dulcinée les pas du laridé ; Hoël son épouse que les mariages de Morgane, Kelog et Gaud avaient déjà bien instruite des quadriges bretons, tandis que l’experte Soisic s’occupait d’affiner l’entrain de son jeune cousin… 

La jolie fête s’acheva assez tôt afin de permettre le retour du sinago avant la nuit. C’était préférable pour perpétuer les bonnes relations que Jakez et son père avaient établies avec le poste allemand de Saint-Goustan. Les femmes se donnèrent rendez-vous à Imbolc, « de nouveau en pleine lune… », soulignait Aouragane et auquel Aïcha s’était fait comme une obligation de présence, tant son ambiance la replongeait dans l’esprit « gynécée » de son éducation première. Solen avait convenu avec Ahmed qu’elle commencerait son service début-Février, après la fête, ça laisserait le temps à Madalen de prendre toutes les dispositions pour son retour chez elle. Et l’on s’était bisé tendrement. « Continue à te soigner à la moindre toux », murmura Soisic à l’oreille de Jakez, en lui glissant dans la main un petit pot d’onguent, « la tuberculose, tu le sais, n’est jamais vraiment guérie… » Le jeune homme hocha la tête, avec un beau sourire qui illuminait sa figure ; « un peu pâle », s’inquiétait l’amie de son père. 

Jakez avait hérité de la volonté d’Yves à toujours rechercher le bon côté des choses. Cela n’avait pas été évident pour la pénible affection qu’il avait contractée au début de son adolescence. Alors guère attiré par le maniement des armes, il avait néanmoins commencé à la trouver heureuse à l’annonce de sa réforme de l’armée. Et de plus en plus avec la guerre, la défaite et les déportations de tant de ses vigoureux compagnons de jeunesse. Il n’en cultivait pas moins le secret désir d’accomplir quelque prouesse au service de son pays. Les « boches », il les supportait, comme tout le monde, plaisantait même parfois avec l’un ou l’autre mais les voir déguerpir restait indéracinablement ancré dans sa caboche de breton. Il espérait y aider ; n’en attendait que l’opportunité sensée, n’étant certes pas du genre à se lancer dans des actions irréfléchies. Prudent, il ne participait jamais aux fanfaronnades de bistrot dont les éclats lui semblaient surtout servir les informateurs attitrés de l’ennemi. 

Ce fut cette discrétion naturelle qui attira l’attention du réseau « Hector ». Fondé dans un esprit de revanche et non pas de résistance, celui-ci était surtout formé de militaires, notamment issus des unités de cavalerie et de gendarmerie, à l’instar du chef d’escadron Jean Muller, retiré dans sa ferme de Crach, près d’Auray. De fait, l’idée de revanche était puissante dans l’armée d’armistice et beaucoup de chefs de réseau étaient liés au service de renseignements vichyssois. Si l’esprit de collaboration, dans le gouvernement pétainiste, était tout-à-fait réel et tenait le pavé haut sur son antithèse, celle-ci fut en effet bel et bien le fer de lance de l’organisation des Forces françaises de l’intérieur (FFI), variablement coordonné, au demeurant, avec l’autre pointe, résolument communiste quant à elle et ordinairement exécrée de la première, du Front national. Jakez aurait eu tendance à pencher plutôt vers celui-ci mais les évènements familiaux se chargèrent de l’orienter vers l’aile manifestement droitière de la résistance morbihannaise. 

Versé à l’Intelligence Service, Cadfan, l’époux de Morgane, fut parachuté en Février 1942 au-dessus des landes de Lanvaux. Récupéré par le réseau Hector, il informa Jean Muller de son union avec la famille Mabon et l’avisé tacticien se mit à prospecter du côté de celle-ci. Ses informateurs ne mirent guère de temps à lui apprendre la relation de Hoël avec un SS. Un de ces collabos du PNB ? « Sûrement pas », objecta Cadfan, « l’IS le croit plutôt lié par une dette d’honneur envers celui qui l’a libéré du stalag… J’en saurai plus par mon beau-père. – Oui, ça pourrait être intéressant », convint Jean, « mais méfie-toi, nos adversaires sont rusés… ». Muni de parfaits faux-papiers – la gendarmerie avait ses entrées au service d’état-civil… – Cadfan se rendit donc à Vannes en paysan endimanché, bafouillant un breton mâtiné de français tout-à-fait dans l’esprit du grand benêt qu’il était censé être. Aucun des trois postes qu’il franchit n’y décela la moindre malice : son personnage avait été fort bien étudié… 

Il avait, se présenta-t-il au secrétariat du cabinet de Yannick, un gros souci de comptabilité, comme il s’était empêtré à tenter de l’expliquer au dernier contrôle allemand qui s’en était bien gaussé, et « mon cousin m’a donné cette adresse, j’espère que monsieur Mabon… » Ce dernier sortait justement de son bureau. Sans rien laisser paraître de sa surprise, Yannick lui demanda de patienter un moment, « asseyez-vous là, j’en ai juste pour quelques minutes. » Et, après avoir un peu flâné impatiemment dehors, histoire de donner le change, revint introduire le plouc qui attendait docilement en tournant et retournant son chapeau entre ses grosses paluches. Une fois la porte du bureau soigneusement refermée derrière eux, les accolades n’en furent que plus chaleureuses. « Impeccable, ton déguisement ! J’ai douté un instant… », entama Yannick, « Comment vas-tu ? Et notre chère Morgane ? Notre petit Peredur-Louis ? » Ils allaient au mieux, « dorlotés par mes sœurs et mère en notre paisible Beddgelert ». Avec, en prime, les vagissements de la ravissante « Mary, née au mois de Janvier de l’année dernière ». 

À la question de l’étonnante relation de Hoël, Yannick n’eût guère de mal à mettre les pendules à l’heure. « C’est moi-même qui lui ai conseillé de garder contact avec ce triste sire qui peut constituer une bonne source de renseignements. Non seulement sur les Allemands mais aussi sur ceux qui collaborent avec eux. – Tu as bien fait mais il va lui falloir faire très attention. Tu peux nous organiser une rencontre dans ton bureau ? Quelque chose du genre coïncidence fortuite ? » Puis la conversation se poursuivit un peu autour de l’extrême complexité des ambiguïtés que généraient l’Occupation. De l’extrême-droite où un abbé Perrot pouvait soutenir la collaboration du PNB avec l’Occupant, tout en s’opposant au nazisme et autre « résurgence du paganisme », maudissait-il ; à l’extrême-gauche où les communistes s’appliquaient à suivre docilement le bouleversement de la conjoncture germano-soviétique ; toute une nébuleuse d’intérêts divers, souvent contradictoires, le plus souvent à court terme, « engluait le pays dans un méli-mélo de tous les diables », analysait l’expert-comptable. 

« Mais la France en a vu d’autres », concluait-il, « notamment avec vous, les Anglais. – Doucement, Bon-papa », s’autorisa Cadfan, « moi, je suis gallois ! » Et la répartie fit rire son beau-père, lui-même « évidemment breton avant d’être français », concéda-t-il, avant de raccompagner le redevenu niais bouseux au secrétariat du cabinet. « Trouvez-moi un rendez-vous la semaine prochaine pour monsieur Kérouan. – Tout de suite, monsieur Mabon ». Et, rencontrant Jakez le lendemain vers le port, Yannick de prier celui-ci de transmettre à Hoël la date et l’heure précise dudit rendez-vous, « pour un entretien extrêmement important au cabinet. Ce serait d’ailleurs bien que tu l’y accompagnes ». Ainsi fut fait. Cadfan était déjà dans le bureau de son beau-père quand la secrétaire frappa à la porte pour annoncer l’arrivée de Jakez et Hoël. « Faites-les rentrer sans attendre ! », puis, se tournant vers Cadfan, « Restez, monsieur Kérouan, juste quelques petits détails à régler avec mon neveu. » 

Cinq minutes suffirent à Hoël pour raconter toute son histoire avec Friedrich. « Arrogant et inconsidérément sûr de lui », ajouta-t-il, « il a cette prétention d’aller seul à cheval et en uniforme dans les lieux les plus mythiques de notre Armor, avec le secret espoir, je crois, d’en retirer quelque force magique. C’est là que tu pourras le descendre, si telle est votre décision. – On verra ça en son temps, Hoël. Pour l’heure, sa vie ne vaut pas une seule des dizaines d’otages que coûterait un tel facile expédient. Il y a mieux à faire. Il compte t’aider dans tes pêcheries : voilà qui ouvre des perspectives pour l’évacuation de personnes en danger ; et si tu peux continuer à assister, sans t’y mouiller, à quelques de ses rencontres avec les collabos, PNB ou autre, ce serait aussi fort utile. Nous avons besoin de recouper beaucoup de sources de renseignements avant d’agir, un apparemment bon tuyau peut se révéler au final le pire des pièges pour coincer tel ou tel de nos informateurs, voire le réseau lui-même…» 

Jakez se proposa spontanément à servir d’agent de liaison entre Hoël et Cadfan. « C’est une fonction des plus risquées », l’avertit celui-ci, « en ce que, tout de mouvement, elle est constamment exposée à être interrompue ou pistée par l’ennemi. – Je sais tenir ma langue », répondit Jakez. « Je n’en doute pas », reprit Cadfan, « mais les SS sont experts à délier la plus retenue. Il faut surtout éviter de se faire prendre, il y a aussi des méthodes pour cela, nous te les enseignerons. Tu rencontreras bientôt un de nos hommes. « Bonjour, François ! », t’interpellera-t-il, tu lui répondras : « Salut, Émile ! » ; ce sera vos noms de réseau ». Et de convenir, en suivant, de ceux de Yannick, Hoël et lui-même. Une petite branchiole d’Hector venait de naître. Ses trois pousses et son rameau central fêtèrent l’évènement en trinquant autour d’une bouteille de cidre. « Pas de quoi remettre en cause l’interdiction de l’ivresse en islam », plaisanta Hoël. On le taquina à ce sujet, il en rit de bon cœur. 

Coïncidence remarquable ou preuve de la surveillance qu’il avait instaurée sur Hoël et sa maison, ce fut précisément à ce moment-là que Friedrich Narsohn se présenta à la porte grande ouverte de l’Établissement Mabon et Cie. Son cheval s’était légèrement blessé en descendant de Min Goh Ru. L’attitude glaciale des rares gens croisés en chemin n’avait guère incité son cavalier à leur demander de l’aide. « Auriez-vous, madame, l’amabilité de me l’apporter ? », lança-t-il du haut de sa monture à Aïcha occupée à quelques rangements dans l’entrepôt. Refuser une telle demande, même au prétexte de l’absence de son mari, eût été grave entorse, tout-à-la-fois aux règles de l’islam et au code maure de l’hospitalité. Aïcha se mit donc en devoir de répondre à l’attente de son visiteur. Et lui de nettoyer maintenant la petite blessure que portait son cheval à la jambe droite, sans cesser d’adresser compliment sur compliment à la « gente dame » qui lui avait « si complaisamment » apporté de quoi désinfecter la plaie. Obligée en conséquence par ce verbiage, Aïcha ne pouvait illico remonter en son appartement. 

Alors que Friedrich s’apprêtait à invoquer l’argument de la soif qui lui permettrait, espérait-il, de poursuivre sa cour au secret de l’étage, l’arrivée impromptue de Solen coupa court au manège. « Bonjour monsieur, bonjour Aïcha, oh ! Le beau cheval que voilà ! », commença-t-elle, en flattant les naseaux de l’animal, « Peux-tu m’accompagner au marché, ma chère amie ? Tu en connais bien les commerçants, ça m’aiderait beaucoup…  – Bien sûr, Solen ! », s’empressa de répondre Aïcha en refermant à clef la porte de l’entrepôt, avec un « Excusez-nous, monsieur, et bon retour à votre écurie ! », sans mesurer un seul instant la part d’insolence que contenait cette apostrophe au sturmbannführer. Elle ne remarqua donc pas le tapotement de sa cravache sur sa botte… Et les deux femmes de s’éloigner bras-dessus, bras-dessous en plaisantant, abandonnant Friedrich à sa solitude agacée… 

*

*       *

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

ÎLÉMOR, l’emzao accompli (chapitres 17 et 18)

D’ICI À LÀ - I - 2 : Bâtir sur l'acquis. I - 3 : Stratégies de changement. I - 4 : Décès annonce de la pensée mécaniste.

ÎLÉMOR, l’emzao accompli (Avertissement et chapitre 1)